Les opérations d'arrachage de pommiers à cidre commencées fin mars dernier sur des vergers appartenant à l'ancienne cidrerie du Duché de Longueville (Seine-Maritime) ont été arrêtées à la demande des services de l'Etat en raison de manquements aux règlementations environnementales.

        Les premières opérations d'arrachage de pommiers à cidre menées par la société coopérative agroalimentaire Agrial ont été stoppées après la constatation de manquements aux règlementations environnementales.

        Ce sont des agents de l'Office français de la biodiversité (OFB) et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) qui sont venus constater début avril sur des parcelles de vergers situées près de la commune de Lammerville (Seine-Maritime). Les travaux d'arrachage avaient commencé fin mars, pilotés par la coopérative normande Agrial, propriétaire des vergers.

       Ces opérations d'arrachage sont la suite de la décision d'Agrial de quitter le territoire de la Seine-Maritime. Décision prise il y a un peu plus de deux pour des raisons de économiques et de cohérence indique la coopérative dont le siège est basé à Caen.

       Mais pour bien comprendre, il faut remonter un peu en arrière. La coopérative Agrial avait racheté il y a une dizaine d'années la cidrerie du Duché de Longueville, dont les unités de production se trouvent à Anneville-sur-Scie (Seine-Maritime). Cette cidrerie fondée dans les années 1950 était l'une des plus importantes de l'ancienne Haute-Normandie. Elle possédait en propre des vergers et avait noué des contrats avec des propriétaires du secteur pour exploiter leurs pommes à cidre. En tout, cela représentait 450 hectares de vergers.

       Lorsque la coopérative Agrial s'est portée acquéreur de la cidrerie, elle a en quelque sorte repris les choses telles quelles en devenant donc propriétaire à son tour de vergers de pommes à cidre. Or, ce n'est pas son modèle économique. Pour produire ses cidres (Ecusson, Loïc Raison, Kérisac), elle est en partenariat avec quelque 600 producteurs de pommes dont elle assure la transformation mais ne possède pas de vergers en propres. Ces producteurs sont pour la plupart situés dans le Calvados, en Sarthe et en Bretagne. C'est d'ailleurs en Bretagne qu'étaient transformées les pommes produites en Seine-Maritime depuis la fermeture de la cidrerie d'Anneville-sur-Scie en 2019.

Agrial quitte la Seine-Maritime

        Dans un contexte de baisse des ventes de cidre, issu de la production industrielle et vendu en grande surfaces, "depuis plusieurs années" souligne Agrial, "cela n'avait plus de sens de garder ces pommes" de Seine-Maritime. Trop de pommes, venues de trop loin.

       La société a donc décidé de quitter la Seine-Maritime mais en arrachant derrière elle les pommiers qu'elle ne veut plus exploiter, qu'ils se situent sur les parcelles qu'elle possède ou celles qui appartiennent aux propriétaires partenaires. Elle avait également, dans un premier temps chercher à vendre les parcelles qui lui appartiennent. Cela représente environ 130 hectares. Mais les discussions avec la Safer, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, ont tourné court. La Safer et la chambre d'agriculture avaient en effet mené une étude d'impact sur l'arrachage des vergers et les "conclusions ne lui convenaient pas" se souvient Emmanuel Hyest, le président de la Safer de Normandie car les contraintes environnementales à respecter auraient été trop importantes.

       Agrial explique qu'elle a préféré changer de projet et plutôt que de vendre ses parcelles, y installer un jeune agriculteur seino-marin avec sa famille qui aurait un projet agricole qu'Agrial pourrait soutenir. Avant cela, il faudrait d'abord commencer par arracher les pommiers.

Inquiétude sur des risques d'inondations et de pollution de l'eau potable

       Ces opérations ont donc commencé fin mars dernier sur les parcelles qui appartiennent à Agrial mais rapidement stoppées après la visite de l'OFB et de la DDTM sur place qui ont constaté plusieurs manquements. Le premier sur la règlementation en matière d'arrachage de haie et d'alignement d'arbres. Il est strictement interdit de les arracher en cette saison si ces arbustes peuvent abriter des espèces animales protégées.

       Le second manquement est relatif à "l'envergure du chantier" explique Jean Kugler, le directeur de la DDTM de la Seine-Maritime. Le projet "doit faire l'objet d'une demande au titre du cas par cas par rapport à l'évaluation environnementale. La Misson régionale d'autorité environnementale (MRAe) doit être saisie d'un dossier de demande pour qu'elle dise s'il y a lieu de faire une étude d'impact environnemental de ce projet" précise Jean Kugler.

       Car il y a deux sujets environnementaux d'importance sur le secteur concerné. Le premier est celui du ruissellement des eaux de pluie. Aujourd'hui, les vergers et les prairies forment une barrière naturelle à ce type de risques. Mais si les vergers sont remplacés par des culture, cela pourrait accroître ces risques et menacé les communes en contre-bas.

       Le second sujet porte sur les captages d'eau potable qui se trouve sur ce secteur. Pour faire simple, le sol épais d'une prairie permet une filtration de l'eau et de garantir la qualité de l'eau qui s'infiltre en sous-sol. Un sol nu de culture n'aurait pas cette vertu et d'autant moins qu'il pourrait également être traité par des produits phytosanitaires qui ne pourraient donc pas être filtrés. "Il peut y avoir des préconisations de maintien en herbe dans un périmètre entourant un captage d'eau" souligne Jean Kugler.

       Ces problèmes liés à l'eau ont déjà été pointés par l'étude menée par la chambre d'agriculture et la Safer. Ces risques d'inondation et de pollution des captages d'eau potable sont une inquiétude majeure des élus locaux. "Agrial n'a eu que faire de cette étude et a lancé ses travaux d'arrachage sans s'en préoccuper" se désole Nicolas Leforestier, le maire de Criquetot-sur-Longueville et président du syndicat mixte Saâne Vienne et Scie.

       Agrial assure qu'elle coopérera avec la DDTM et fera ce qu'elle lui demande. Elle réfute toute volonté de se soustraire aux règlementations environnementales.

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