Produire des fruits de qualité, un défi pour chaque arboriculteur

Par les soins qu’il accorde à ses arbres et arbustes fruitiers, tout arboriculteur, qu’il soit professionnel ou amateur, escompte récolter des fruits « de qualité ». Pour le professionnel, autant que le rendement, cela déterminera le revenu et la rentabilité de son entreprise, tandis que pour l’amateur ce sera une source de satisfaction légitime.
La notion de qualité des fruits englobe une série de paramètres internes ou externes, souvent interdépendants. Elle varie selon les personnes et les lieux, et les moyens d’atteindre la qualité espérée seront donc très divers. C’est dire si la question est vaste !

reste.

Le calibre, un des critères de qualité externe

Ce caractère est inscrit comme tendance dans le génome de la variété, puisqu’il peut varier selon les pratiques culturales : la taille, l’éclaircissage… Pour le commerce, il existe des tendances régionales ou sociales dans la formulation d’un calibre idéal, et il en est tenu compte dans les normes européennes de qualité.

Il est admis que la qualité gustative des fruits est meilleure chez les fruits de gros calibre et chez les fruits les plus colorés. Les fruits très petits sont en général moins sucrés et moins aromatiques. La maturation des très gros fruits évolue plus rapidement que celle des fruits de calibre moyen. Leur durée de conservation est donc plus courte : perte d’arôme et de sucres, diminution de la fermeté de la chair, jaunissement de l’épiderme et développement de la couche cireuse de l’épiderme en sont la conséquence. Un pré-triage des calibres avant la mise en conservation est à conseiller.

Jusque dans les années 1950, quelques variétés de fruits de très gros calibre étaient classées comme « fruits d’exposition », par exemple la pomme ‘Peasgood’s non such’ et la poire ‘Williams Duchess’. Ils étaient destinés à confectionner des corbeilles garnies de pommes, poires, raisins, etc. destinées à être offertes ou à décorer une exposition ou un salon de réception. Leur qualité gustative est moins importante que leur aspect extérieur et leur calibre. Ce dernier était amélioré par la taille et l’éclaircissage ; l’ensachage des fruits sur les arbres améliorait l’aspect extérieur de la pelure.

Ces symboles d’abondance se retrouvaient aussi dans la peinture. Au fil des siècles, d’innombrables « natures mortes » témoignent à la fois de l’habileté du peintre et de celui qui a composé le montage. Un maître en la matière fut le peintre italien Arcimboldo (1527-1593) qui a poussé à l’extrême l’introduction de fruits dans ses œuvres. Les natures mortes contribuent aussi à connaître l’histoire de l’arboriculture fruitière pratiquée par nos ancêtres.

Quelques exploitations produisent des pommes et des poires logées dans une bouteille d’alcool de fruits. Après la nouaison, lorsque leur calibre permet encore de les glisser dans la bouteille, les fruits sont soignés, traités contre les insectes, puis récoltés à condition qu’ils soient devenus suffisamment gros pour tenir dressés dans la bouteille. Un traitement chimique les empêche de brunir. Ils ne participent en rien au goût de l’alcool qui les baigne. Mais comme ce procédé est coûteux, il existe maintenant des bouteilles dont le fond est collé après y avoir introduit le fruit !

Des fruits plus allongés, plus arrondis…

Chez certains fruits, des anomalies de forme peuvent survenir, par exemple chez les pommes la présence d’une excroissance appelée « sabot » dans la cavité du calice. Chez la variété ‘Sabot d’Eijsden’, quasiment tous les fruits en comportent un. Quelques variétés de poires en comportent parfois un.

Chez certains fruits à pépins, la forme générale peut différer selon la région. Pour la pomme ‘Golden delicious’ qui est cultivée dans le Monde entier, le rapport hauteur/diamètre varie : les fruits sont plus allongés en climat froid et plus arrondis en climat chaud. Les pommes plus allongées ont une cavité du calice plus étroite et profonde que les fruits arrondis. Leur maturité est moindre.

Chez certaines poires, comme ‘Conference’, une forme plus arrondie est à remarquer chez les fruits ayant été fécondés et qui contiennent donc des pépins, tandis que les fruits parthénocarpiques (= sans pépins) ont une forme beaucoup plus allongée.

Éviter les défauts de l’épiderme

La coloration de l’épiderme est une caractéristique principale d’une variété. Son appréciation dépend à la fois de critères objectifs (les cartes de couleurs) et subjectifs (l’avis de dégustateurs). Elle est très importante pour décider d’un achat. La proportion de l’épiderme coloré, l’intensité de la teinte rouge, sa disposition en stries et/ou en lavis dépendent du mutant, et des conditions de culture et d’éclairement. Lorsqu’il en existe, les mutants rouges sont préférés ; ils peuvent donner une indication erronée de la maturité des fruits.

Dans le passé, certains insecticides qui amélioraient la coloration et l’aspect lisse de l’épiderme des pommes ont été vendus et utilisés pour leur caractère « cosmétique » (sic !) et non pour leur action insecticide !

La rugosité de l’épiderme des poires et des pommes est à la fois un caractère lié à une variété, et un défaut qui peut être dû à la pluie, à l’agressivité de certains produits de protection des plantes ou à des manipulations. Il se dit qu’elle n’a pas d’influence sur le goût des fruits. Cependant dans une expérimentation sur un lot de ‘Golden delicious’ de calibre identique et de même maturité, nous avons mesuré une teneur en sucre systématiquement plus élevée chez les fruits rugueux.

Les défauts de l’épiderme sont un critère de déclassement dans les normes européennes de qualité des fruits. Ils peuvent provenir d’attaques de cryptogames (la tavelure, par exemple) ou d’insectes (notamment des morsures de diverses chenilles), ainsi que d’accidents météorologiques (principalement la grêle et des brûlures dues au soleil) ou le bris du pédoncule. Les dégâts provoqués par certains cryptogames peuvent n’être que superficiels (tavelure de fin d’été, par exemple), tandis que d’autres comme les monilioses affectent aussi la chair en profondeur.


Un épiderme ridé est dû à une perte d’eau de la chair ; il peut être causé par une conservation trop longue ou dans une atmosphère trop sèche ou trop chaude. Certaines pommes sont trempées dans une émulsion de cire végétale comestible qui forme un film étanche à la vapeur d’eau.

L’aspect extérieur des fruits peut aussi être endommagé par des chocs dus à des manipulations trop vives ou brutales lors de la cueillette, du triage ou du transport. La sensibilité varie fortement selon la fermeté de la chair, qui est une caractéristique variétale également liée au degré de maturité.

Les caractéristiques internes des fruits, la clé pour une dégustation satisfaisante

Les caractéristiques physiques et surtout chimiques des fruits vont déterminer la satisfaction que l’on éprouve lors de leur consommation à l’état frais et leur aptitude à subir l’un ou l’autre procédé de transformation familiale, artisanale ou industrielle. Dans tous les cas, la préservation du goût est un souci majeur après conservation ou transformation ; elle a été et fait encore l’objet de nombreuses recherches.
La question de savoir quelle est la part de la génétique et la part des facteurs culturaux et technologiques dans le goût final d’un fruit lors de sa dégustation n’a pas encore trouvé de réponse claire. Il est indéniable que dans un lot de fruits d’une même variété récoltés au même moment, il existe des caractéristiques communes, mais de plus chaque fruit présente des variations en fonction de la position qu’il avait dans les arbres, et de sa physiologie individuelle depuis la récolte.
Les préférences des consommateurs en ce qui concerne le goût des fruits varient selon le lieu. En Europe, la tendance générale est à rechercher des fruits plus sucrés et tendres dans les pays du Sud et plus acidulés et fermes dans le Nord.
La texture de la chair est préférée plus ferme et croquante par les consommateurs jeunes, tandis que les consommateurs plus âgés recherchent une chair plus tendre. La fermeté se mesure avec un petit dynamomètre qui exprime la force nécessaire à faire entrer une douille cylindrique dans la chair.
Pendant la maturation et après la cueillette, la fermeté de la chair diminue en raison de la perte d’eau par transpiration ; elle peut être ralentie en élevant l’hygrométrie de l’air. Elle est plus rapide en conservation naturelle que dans une chambre froide, où l’on cherche à être proche de la saturation. Le pressage des fruits pour en extraire le jus donne un meilleur rendement lorsque la chair est encore suffisamment ferme que dans le cas de fruits très mûrs.
La composition chimique de la chair détermine le goût des fruits et le plaisir de leur consommation. Chez tous les fruits (à l’exception des fruits secs ou oléagineux), le principal composé de la chair est l’eau. Les fruits sont un moyen efficace de faire absorber suffisamment d’eau par les personnes très âgées chez qui la déshydratation est un problème fréquent.
Les composés les plus présents dans la plupart des fruits sont les sucres simples (fructose et glucose), double (saccharose) ou complexes (amidon et inuline, fibres brutes et alimentaires : lignine, cellulose, hémicellulose, pectine…). Ils sont des aliments fournisseurs d’énergie à effet rapide ou prolongé. Les fibres jouent un rôle important dans le transit des aliments dans le système digestif ; elles résolvent cette maladie des civilisations qu’est la constipation chronique.
Autres composants importants pour le goût des fruits : les acides malique, tartrique et citrique, en teneur très différente selon le cas. Outre leur valeur diététique, ils permettent d’équilibrer avec les sucres la perception gustative : un fruit bien sucré et peu acide paraîtra fade. Pendant la conservation, l’acidité des fruits tend à diminuer, et dans différentes préparations culinaires, des fruits très mûrs devront être additionnés de jus de citron.
Les composés aromatiques présents dans les fruits sont très nombreux : on en a dénombré 200 à 300 selon le cas. Même si les quantités présentes sont très faibles, leur importance est très grande pour le goût final. Les éléments minéraux dominants sont le potassium et le calcium. Par un mécanisme antagoniste qui est fréquent, une richesse trop élevée en potassium dans le sol induit une carence en calcium dans l’arbre. Dans la chair des pommes, ce déséquilibre induit fréquemment la formation de points liégeux bruns.
Les diverses vitamines présentes dans les fruits influencent leur qualité diététique. Les tannins, lorsqu’ils sont présents en quantité, confèrent aux fruits une certaine amertume ; ils sont responsables du brunissement de la chair des pommes blessées ou coupées et ils jouent un rôle dans la vinification des jus de fruits.
Différentes substances chimiques qui confèrent aux fruits leur coloration externe et interne retiennent actuellement l’attention pour leurs propriétés anti-oxydantes ; les colorations rouges et bleu-violet semblent les plus intéressantes.

La physiologie influence la récolte et la conservation

Une fois qu’il est détaché de l’arbre, le fruit continue à respirer (= échanges de gaz avec le milieu) et à transpirer (= perte d’eau) pendant un temps qui dépend de son identité. Selon l’espèce, il existe deux schémas d’évolution de la respiration. Pendant tout le développement des fruits, l’intensité de la respiration diminue progressivement puis, chez les fruits dits « climactériques », elle se met à augmenter pendant la maturation, passe par un maximum appelé « point climactérique », puis diminue à nouveau pendant la phase de sénescence. Chez d’autres fruits appelés « non climactériques », il n’y a pas d’augmentation de la respiration. Ils sont moins nombreux que les premiers.
Ce phénomène a des conséquences importantes pour la date de récolte, la conservation et l’évolution de la qualité des fruits. La qualité des fruits climactériques cueillis tôt va continuer à s’améliorer après la cueillette et leur durée de conservation peut être longue, tandis que la maturation des fruits non climactériques s’arrête lors de la cueillette, puis ils se dégradent. Leur conservation est courte. Ils doivent être cueillis les plus mûrs possible en fonction de leur destination.

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